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Croissance neuronale et développement axonal : mécanismes de guidage et de survie

Neurones et croissance

Résumé

Le développement du système nerveux est un processus biologique complexe impliquant la prolifération des neuroblastes, la croissance axonale, le ciblage synaptique et la survie neuronale. Cet article examine les mécanismes cellulaires et moléculaires qui sous-tendent le guidage des axones et la sélection des neurones, y compris le rôle des cônes de croissance, des facteurs neurotrophiques et de la régulation génétique. Des recherches sur la drosophile et les modèles vertébrés permettent de mieux comprendre l’équilibre délicat entre croissance, ciblage et apoptose dans la formation de réseaux neuronaux fonctionnels.

1. Introduction : d’une cellule unique à la complexité neuronale

Le développement du système nerveux commence avec une seule cellule embryonnaire, qui se divise pour produire des neuroblastes. Bien que tous les individus partagent la même base biologique, ils présentent des comportements distincts, en grande partie dus à l’expression de l’information génétique contenue dans l’ADN. Les gènes, situés dans le noyau de chaque cellule, codent pour des protéines et des ARN essentiels à la fonction cellulaire. Même si toutes les cellules possèdent le même génome, l’expression sélective des gènes façonne le phénotype et la fonction des neurones.

2. Le rôle des axones dans le développement neuronal

Pour former des réseaux, les neurones doivent établir des connexions via leurs axones, prolongements chargés de transmettre des signaux électriques depuis le soma vers les cellules cibles. Ces signaux sont traduits en messages chimiques ou électriques au niveau des synapses, les jonctions entre neurones ou entre neurones et autres types cellulaires.

Il existe deux types de synapses :

  • Synapses chimiques, utilisant des neurotransmetteurs,

  • Synapses électriques, reposant sur des jonctions communicantes (gap junctions).

L’extrémité des axones est dotée d’un cône de croissance, structure mobile qui permet à l’axone de détecter et suivre les signaux environnementaux.

3. Dynamique des cônes de croissance et guidage axonal

Pendant le développement embryonnaire, les axones doivent souvent parcourir de longues distances pour atteindre des cibles spécifiques (muscles, glandes, autres neurones). Le cône de croissance joue un rôle clé dans cette navigation. Il est constitué de lamellipodes et de filopodes, structures riches en actine qui s’étendent et se rétractent en réponse à l’environnement.

Le guidage est influencé par des signaux :

  • Chémotactiques (contact local avec des cellules),

  • Chémotropiques (signaux diffusibles d’attraction ou de répulsion).

Une fois la cible atteinte, le cône se stabilise, s’aplatit, forme une synapse et cesse sa progression.

4. Traversée de la ligne médiane et régulation génétique

Certains axones doivent traverser la ligne médiane du système nerveux pour atteindre leurs cibles, comme les axones commissuraux. Des études sur des mutants de la drosophile (Seeger et al., 1993) ont permis d’identifier des gènes impliqués dans cette traversée :

  • Le gène robo empêche le franchissement répété de la ligne médiane,

  • Le gène comm le facilite initialement,

  • La protéine Slit (sli) agit comme un répulsif, interagissant avec robo et comm pour assurer un guidage précis (Kidd et al., 1999).

5. Sélection neuronale et apoptose

Le système nerveux en développement produit un excès de neurones, dont une grande partie meurt par apoptose (mort cellulaire programmée). Cela garantit que seuls les neurones ayant établi des connexions adéquates survivent. Le chercheur Viktor Hamburger a montré que la survie des neurones périphériques dépendait de la taille de leur cible.

Dans le système nerveux central, Dennis O’Leary a observé que jusqu’à 50 % des cellules ganglionnaires de la rétine meurent dans les premiers jours postnataux si elles ne parviennent pas à se connecter ou si les cibles sont trop petites (O’Leary, 1987).

L’apoptose est régulée par des facteurs neurotrophiques, notamment le nerve growth factor (NGF) découvert par Rita Levi-Montalcini, qui favorise la survie des neurones sympathiques. D’autres neurotrophines ont des effets similaires sur les neurones moteurs et sensoriels.

6. Neurogenèse postnatale et influence environnementale

Si la neurogenèse est très active durant la période embryonnaire, elle diminue fortement après la naissance, à l’exception de quelques zones comme l’hippocampe. Les mécanismes de relance de la neurogenèse adulte restent encore peu compris, tout comme la cascade moléculaire qui déclenche l’apoptose postnatale.

L’environnement joue également un rôle majeur. Des recherches sur les nourrissons montrent que les expériences sensorielles et affectives précoces influencent les connexions neuronales et la plasticité synaptique. Le développement cérébral repose donc à la fois sur la génétique et sur l’expérience.

7. Conclusion

Le développement neuronal repose sur une interaction subtile entre facteurs génétiques, signaux environnementaux et mécanismes cellulaires. Le guidage axonal, la formation synaptique et la sélection neuronale sont autant d’étapes régulées avec précision. Si les découvertes ont permis d’identifier des mécanismes clés, de nombreuses questions demeurent, notamment sur la neurogenèse adulte et l’intégration des facteurs environnementaux dans la maturation neuronale.

Références

  • Hollyday, M. & Hamburger, V. (1976). Reduction of the naturally occurring motor neuron loss by enlargement of the periphery. Journal of Comparative Neurology, 170, 311–320.

  • Kidd, T., Bland, K. S., & Goodman, C. S. (1999). Slit is the midline repellent for the Robo receptor in Drosophila. Cell, 96, 785–794.

  • Levi-Montalcini, R. (1975). NGF an uncharted route. In Worden, F. G., Swazey, J. P., & Adelman, G. (Eds.), The Neurosciences: Paths of Discovery (pp. 245–265). MIT Press.

  • O’Leary, D. (1987). Remodelling of early axonal projections through selective elimination of neurons and long axon collaterals. In Bock, G. & O’Connor, M. (Eds.), Selective Neuronal Death, Ciba Foundation Symposium (pp. 113–130). Wiley.

  • Seeger, M., Tear, G., Ferres-Marco, D., & Goodman, C. S. (1993). Mutations affecting growth cone guidance in Drosophila: Genes necessary for guidance toward or away from the midline. Neuron, 10, 409–426.

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