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L’amitié comme nouveau modèle sociétal : utopie ou alternative réelle ?

amitié et inclusion

Je viens tout juste d’achever la lecture de l’ouvrage fascinant de Geoffroy de Lagasnerie, intitulé simplement « L’Amitié ». Ce livre audacieux constitue un véritable réquisitoire contre l’institution familiale traditionnelle, que l’auteur oppose radicalement à l’amitié. Il y raconte l’intensité de son lien avec deux autres hommes, formant un trio exclusif, soudé au point d’exclure toute altérité. Pour lui, l’amitié ne représente pas seulement un lien affectif mais aussi une véritable alternative sociale, un projet politique capable de restructurer notre manière d’être ensemble.

Cependant, malgré la clarté de son propos et la qualité littéraire de son texte, l’auteur soulève davantage de questions qu’il n’apporte de réponses, ce qui témoigne à mon sens de l’intérêt profond de son ouvrage.

Critiquer le système tout en y participant : une posture ambivalente

Geoffroy de Lagasnerie fait partie du monde académique, un univers qu’il critique sévèrement pour son élitisme, ses compétitions internes, et ses mécanismes de reconnaissance très codifiés. Pourtant, lui-même bénéficie directement de la reconnaissance académique, ce qui place sa critique dans une position paradoxale et confortable. Résister depuis l’intérieur, en créant son propre microcosme amical, ne revient-il pas justement à reproduire les mécanismes d’exclusion qu’il prétend dénoncer ? Ce groupe restreint d’amis devient alors une forteresse contre l’altérité, privilégiant le semblable au différent.

Pierre Bourdieu l’avait bien décrit : toute posture de contestation depuis l’intérieur d’un champ nécessite une vigilance constante face aux risques de reproduction des systèmes critiqués (Bourdieu, La Distinction, 1979).

L’amitié peut-elle remplacer la famille comme socle sociétal ?

L’idée de substituer l’amitié à la famille paraît séduisante mais profondément utopique. La famille est une institution anthropologique fondamentale, ancrée dans notre identité biologique et psychologique. Même si ses contours évoluent constamment, chacun naît au sein d’une famille, imposant dès le départ un cadre social déterminant.

L’amitié, quant à elle, est choisie librement, se construisant et se déconstruisant tout au long de la vie. Sa richesse réside précisément dans sa flexibilité, sa capacité à évoluer ou à disparaître sans contraintes institutionnelles. En faire un système stable, comme le propose Lagasnerie, risque de rigidifier ce lien, entraînant les mêmes souffrances qu’une rupture familiale lorsqu’un ami quitte volontairement ou non le groupe.

Aristote, dans son traité sur l’éthique à Nicomaque, souligne justement la beauté de l’amitié qui tient à son libre choix et à son épanouissement dans l’espace du volontaire, du spontané et du réciproque (Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre VIII).

Les racines sémantiques et sociales de l’amitié

Étymologiquement, « amitié » vient du latin amicitia, dérivé de amicus (« ami »), issu lui-même de amare (« aimer »). Ce lien d’amour choisi, non contraint, différencie l’amitié des relations familiales souvent fondées sur des obligations et des attentes implicites.

Mais peut-on bâtir une société sur une relation aussi intime et personnelle ? Le risque majeur serait alors celui de l’exclusion, inhérente à tout groupe humain fermé. Comme le souligne Edgar Morin, tout groupe humain est soumis aux dynamiques d’inclusion et d’exclusion, phénomène amplifié lorsqu’on érige une relation intime en norme sociale (Morin, La Méthode : L’Humanité de l’humanité, 2001).

Pourquoi devenons-nous amis ?

Nous devenons amis par affinité, partage d’expériences, ou parfois simplement par le hasard des rencontres. Mais peut-on vraiment parler de hasard ? Lagasnerie décrit trois écrivains issus du même milieu académique, un univers caractérisé par l’entre-soi. Leur amitié reflète ainsi leurs similitudes culturelles, intellectuelles et sociales, risquant d’exclure toute altérité réelle. Cette logique du semblable reproduit et renforce des inégalités sociales déjà existantes.

La psychologue sociale Beverly Fehr souligne que les amitiés sont souvent fondées sur des similarités (âge, valeurs, statut social), ce qui renforce les logiques de groupes homogènes et donc excluants (Fehr, Friendship Processes, 1996).

L'amitié comme miroir et défi d’ouverture

Ainsi, nos amis deviennent souvent notre miroir, reflet direct de qui nous sommes ou voulons être. La véritable question que pose Lagasnerie, peut-être sans la formuler explicitement, est celle-ci : Sommes-nous prêts à transcender nos peurs pour accepter l’altérité radicale, l’inconnu, le différent, ou préférons-nous rester dans un cercle sécurisant mais étroitement semblable à nous-mêmes ?

Cette réflexion invite chacun à un examen introspectif : Combien avez-vous d’amis réellement différents de vous, issus d’autres milieux sociaux, d’autres cultures ou d’autres croyances ? La réponse indique directement votre degré d’ouverture à l’altérité.

Conclusion : L’amitié comme idéal, non comme système

Si l’idée de Lagasnerie est stimulante, elle révèle néanmoins les limites inhérentes à toute utopie. L’amitié, librement choisie, ouverte et évolutive, ne peut être le fondement exclusif d’un nouveau système sociétal sans risquer de reproduire les structures d’exclusion qu’elle prétend combattre.

L’amitié doit demeurer une invitation à l’ouverture, à la liberté et au respect de l’altérité, non un dogme ni une institution fermée. Elle enrichit certes notre vie privée et sociale, mais elle ne peut se substituer à la complexité de liens qui nous constituent en tant qu’êtres humains et citoyens.

Peut-être le véritable défi réside-t-il dans la capacité à équilibrer nos relations affectives, amicales et familiales, en gardant toujours ouvertes les portes à l’autre, à l’inconnu et au différent.

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