Les relations au travail se sont considérablement dégradées dans les pays économiquement riches car le pacte social qui les soutenait s’est transformé.
Le travail salarié basé sur des rapports hiérarchiques tel que nous le connaissons encore s’est organisé avec l’industrialisation et le système libéral ; c’est un système paternaliste, où chacun y trouvait une place dans la mesure où on acceptait d’être dominant, le patron, ou le soumis, le salarié. Le contrat s’appuie sur un échange entre temps, celui que le salarié consacrait à son travail, et sécurité, offerte par le patron, ou le chef en contrepartie.
Or, pour diverses raisons trop nombreuses à décrire ici, l’évolution des systèmes ont amené une remise en cause de la clause de sécurité et cela très rapidement, en moins de 50 ans ce qui est peu en termes de capacité de l’Homme au changement : notre « soumis » ne s’y retrouve plus car tout peut changer, la performance et la rentabilité exigeant une adaptation permanente à une concurrence planétaire sans pitié.
Mais cette évolution a provoqué aussi la dilution de la notion de patron qui s’est transformé en manager, c’est-à-dire en gestionnaire et tout le monde est plus ou moins chef de quelqu’un d’autre. La notion de chef personnalisé s’est diluée dans celle de hiérarchie, concept un peu flou et qui justifie toutes les prises de décision puis qu’il n’y a plus de responsable clairement désigné. Par contre, chacun est devenu responsable si ce n’est de ses actes, tout au moins de ce qui lui arrive : pas assez rapide, pas assez formé, pas assez jeune, pas assez vieux, bref pas assez rentable.
Ainsi en peu de temps, un demi-siècle, les rapports dans les organisations ont changé avec ce que cela comporte de positif ou de négatif.
Sur le plan positif, nous allons vers une autonomisation de l’homme dans son cadre professionnel, même si celle-ci se fait au forceps et lentement. En effet, le profil du soumis tend à disparaitre depuis qu’il est manager ce qui lui fait prendre conscience peu à peu qu’il peut prendre des décisions. Il n’a plus vraiment envie de consacrer son temps à une vie professionnelle qui le soumet à une forte pression. Mais, son besoin de sécurité étant toujours présent, il reste toutefois soumis non plus à son chef mais aux objectifs qu’on lui a fixés. Il a toujours la même peur, celle de l’exclusion du groupe. Et plus on monte dans la hiérarchie, plus le niveau de peur et de soumission augmentent. Probablement car le sentiment de perdre beaucoup est fort. Pourtant, certains d’entre eux, les alternatifs, lassés d’être soumis à une pression dont l’objectif est la performance économique au détriment des valeurs humaines, sont précurseurs de ce qui se met en place lentement : des individus plus autonomes, n’ayant pas eu peur de se marginaliser et ayant créé des communautés de vie.
Alors le stress augmente dans des organisations où les individus s’autocontrôlent dans le but d’atteindre des objectifs soit changeants sous la pression de l’environnement, soit sans cesse plus contraignants.
Quel pourrait être alors la porte de sortie ? Faire de l’évangélisme consisterait à penser que l’on pourrait rétablir des valeurs humanistes dans les organisations ; mais au-delà du bien fondé de cette pensée, cela reste de l’utopie car les organisations ne sont que ce qu’en font les hommes.
La solution passe par l’individu qui de la recherche de sécurité irait vers une construction de son autonomie ; ce n’est pas une évolution facile car les peurs sont grandes : échec, rejet, exclusion sociale et cette démarche s’appuie certainement sur la foi et la confiance en soi. L’école et l’éducation a certainement un rôle à jouer dans cette approche afin que cette évolution ne soit plus subie mais acceptée pour ce qu’elle est, c’est-à-dire inéluctable.