Il y a quelques temps, j’assistais comme conseiller en organisation à une session de travail qui réunissait des managers d’une organisation internationale multilatérale. Plusieurs nationalités étaient représentées autour de la table comme toujours avec ce type d’organisations qui comprend les Nations Unies, ses agences, la Commission européenne…. Le langage était mesuré avec parfois quelques escarmouches mais rien de bien sérieux.
Mais derrière ces visages lisses, je percevais des signes de tensions au travers des attitudes corporelles, des regards fuyants. Au-delà des paroles, je ressentais les réactions et les positons plus que je ne les analysais consciemment.
Nous discutions d’augmentation de salaires de certaines personnes (pourquoi certaines et pas d’autres ?). Quelques papiers sans grand intérêt informatif sur les performances du salarié furent distribués par le chef des ressources humaines. Le superviseur/manager donna son avis sur la base de trois critères informels : l’amabilité du salarié, sa loyauté au « chef » et son obéissance. Une discussion s’engagea et le Directeur décida unilatéralement de donner, ou non, l’augmentation attendue. La décision s’est jouée entre trois personnes : le Directeur, le chef des ressources humaines et le manager des salariés concernés. Les autres personnes présentes n’étaient là que pour donner une apparence démocratique à une décision prise en amont.
Ce système de prise décision est classique dans ce type d’organisations qui bien qu’œuvrant dans le domaine du développement humain adopte un style de management hiérarchique. Mais les personnalités sont aussi à prendre en compte car selon les managers le système est plus ou moins coercitif: si la pyramide de Maslow est utilisée comme référence, le besoin de pouvoir et donc sécurité étaient des besoins partagés par nos trois protagonistes à un point tel que personne n’osa demander pourquoi seuls certains salariés étaient augmentaient et pas d’autres et pourquoi selon les salariés les augmentations différaient. La peur est contagieuse. Si la théorie des valeurs de Schwartz est appliquée, nous sommes entre affirmation de soi sur le plan individuel, s’appuyant sur les valeurs de réussite et de pouvoir, et continuité sur le plan social et organisationnel, regroupant les valeurs de Sécurité, Conformité et Tradition.
A partir d’un besoin commun d’affirmation personnelle, la culture dont était issue ces trois hommes, nord-américain, africain et européen a certainement joué un rôle dans les attitudes et les comportements. Mais la question essentielle est à mon avis liée à des enjeux de conscience. En créant des inégalités de traitement et en utilisant comme moyens de management l’arbitraire et le manque de transparence, certes ces trois managers montraient leur pouvoir à l’instant présent, mais ils induisaient aussi une profonde démotivation à moyen terme, ce qui naturellement arriva. N’en avaient-ils pas conscience ? Si non, comment pouvait-on leur faire réaliser qu’en jouant l’individuel contre le collectif, selon les lois mécaniques de tout système évolutif, l’énergie organisationnelle s’épuiserait et une crise surgirait ?
Comment donc prendre conscience de soi-même, de ses comportements et de ses objectifs mais aussi conscience du fonctionnement de l’environnement ?
Il semble que ce type d’organisation internationale s’occupant d’aide au développement soit paradoxalement très en retard sur le plan de la réflexion sur le management des hommes ; les prises de conscience ne passent que par des crises internes expliquées par des démonstrations de pouvoir ce qui amène à une situation étonnante où nous sommes en présence de gens extrêmement bien payés et…. malheureux. Les techniques de coaching classiques, PNL… ne sont pas d’un grand secours dans ce milieu multiculturel sauf pour comprendre ce qu’il se passe mais pas pour faire passer les individus et l’organisation de l’affirmation de soi à l’ouverture au changement et de la continuité au dépassement de soi.
Pour cela la peur et l’anxiété doivent être surmontée et la confiance construite et donc donner du temps au temps est essentiel pour expliquer et montrer.